Archive pour la catégorie ‘Poésie’

La cigale et la fourmi, Jean de La Fontaine

Samedi 20 avril 2024

La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue4 :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût5, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut6.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse7.
— Nuit et jour à tout venant8
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »

La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf, La Fontaine

Samedi 20 avril 2024

Une grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend3, et s’enfle, et se travaille4
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur,
Est-ce assez ? dites-moi : n’y suis-je point encore ?
— Nenni5. — M’y voici donc ? — Point du tout. — M’y voilà ?
— Vous n’en approchez point. » La chétive pécore6
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.

Toute la musique que j’aime,

Vendredi 8 novembre 2019

Toute la musique que j’aime
Elle vient de là
Elle vient du blues
Les mots ne sont jamais les mêmes
Pour exprimer ce qu’est le bues
J’y mets mes joies, j’y mets mes peines
Et tout ça, ça devient le blues
Je le chante autant que je l’aime
Et je le chanterai toujours
Il y a longtemps sur des guitares
Des mains noires lui donnaient le jour
Pour chanter les peines et les espoirs
Pour chanter Dieu et puis l’amour
La musique vivra
Tant que vivra le blues
Le blues, ça veut dire que je t’aime
Et que j’ai mal à en crever
Je pleure mais je chante quand même
C’est ma prière pour te garder
Toute la musique que j’aime
Elle vient de là
Elle vient du blues
Les mots ne sont jamais les mêmes
Pour exprimer ce qu’est le bues
J’y mets mes joies, j’y mets mes peines
Et tout

Correspondances, Charles Beaudelaire

Samedi 7 juillet 2018

La nature est un temple où de vivants piliers

laissent parfois sortir de confuses paroles

L’homme y passe à travers une forêt de symboles

qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent 

dans une profonde et ténébreuse unité

vaste comme la nuit et comme la clarté

les parfums, les sons et les couleurs se répondent 

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, Arthur Rimbaud

Dimanche 17 décembre 2017

Foin des bocks et de la limonade

des cafés tapageurs aux lustres éclatants

on va sous les tilleuls verts de la promenade

‘Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin

L’air est parfois si doux qu’on ferme les paupières

Le vent chargé de bruit, la ville n’est pas loin  

A des parfums de vin et des parfums de bière

Invitation aux voyages, Charles Beaudelaire

Mercredi 9 août 2017

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Le Pont Mirabeau, Guillaume Apolinaire

Samedi 23 avril 2016

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va »
« Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine »

L’albatros, Charles Beaudelaire

Samedi 20 avril 2013

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.


A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!


Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Je mémorise assez bien ce poème de potache.  Il est, pour moi, sans hésitation dans le top “ten”.

Le dormeur du val, Arthur Rimbaud

Vendredi 1 mai 2009

Lettre de George Sand à Alfred de Musset

Samedi 21 février 2009

Cher ami,

Je suis toute émue de vous dire que j’ai
Bien compris l’autre jour que vous aviez
Toujours une envie folle de me faire
Danser. Je garde le souvenir de votre
Baiser et je voudrais bien que ce soit
Une preuve que je puisse être aimée
Par vous. Je suis prête à montrer mon
Affection toute désintéressée et sans cal-
Cul, et si vous voulez me voir ainsi
Vous dévoiler, sans artifice, mon âme
Toute nue, daignez me faire visite,
Nous causerons et en amis franchement
Je vous prouverai que je suis la femme
Sincère, capable de vous offrir l’affection
La plus profonde, comme la plus étroite
Amitié, en un mot : la meilleure épouse
Dont vous puissiez rêver. Puisque votre
Ame est libre, pensez que l’abandon où je
Vis est bien long, bien dur et souvent bien
Insupportable. Mon chagrin est trop
Gros. Accourez bien vite et venez me le
Faire oublier. À vous je veux me sou-
Mettre entièrement.