Archive pour décembre 2015

2084, Boualem Sansal

Lundi 28 décembre 2015

En Abistan, plus de questions. La répétition des paroles d’Abi et de Yölah bourdonne jour et nuit, à travers la scansion obligatoire du Gkabul, le texte sacré. Elle s’infiltre dans chaque interstice de la conscience qui finit par la reproduire automatiquement. « Allons mourir pour vivre heureux ! », tel est le cri de guerre de l’armée abistanaise. Il n’est pas si étranger au lecteur : c’est celui de Daech, d’Al-Qaida, des talibans et des gardiens de la révolution. La fable du romancier se situe donc dans une sorte d’au-delà de nos journaux télévisés. Lorsque, au terme de l’an 2084 et de ses centaines de millions de morts, l’humanité aura définitivement sombré dans l’inhumain. Il reste pourtant, comme toujours, un rebelle. Il s’appelle Ati et défie le système qui lui interdit de penser. Il cherche et trouve les ghettos où sont parqués les derniers mécréants. Surtout, il espère franchir la frontière interdite derrière laquelle survit un autre monde. Le monde d’hier, aurait écrit Stefan Zweig, que l’avancée du nazisme poussa au suicide. Ati, figure de tous ceux qui disent non, passera-t-il de l’autre côté du miroir, au bout des souterrains de la grande montagne qui ouvrent sur une terre libre et un ciel enfin vidé de sa terreur ? Il est l’espoir dernier de ce texte ample et magnifique. Le chef-d’œuvre de Boualem Sansal.

L’effet Lucifer, Patrick Clervoy

Lundi 21 décembre 2015

Comment devient-on un bourreau ? Quel est cet effet Lucifer qui incite l’homme à se muer en tortionnaire ?

l’homme  peut infliger à son semblable plus de souffrance que ne peuvent lui en faire subir les animaux, les accidents ou les maladies. L’emprise du mal fonctionné comme une mécanique.

Cette incapacité à résister à l’emprise du mal, est désignée sous le terme de décrochage du sens moral. 

Tout être possède une conscience qui lui permet de maîtriser ses pulsions agressives ou destructrices. Mais lorsqu’il s’intègre dans une structure organisationnelle marquée par des règles institutionnelles fortes, comme les forces de l’ordre ou l’armée, où domine l’obéissance, il perd ses capacités critiques et les ressources de sa morale personnelle. Son éthique individuelle s’efface pour laisser place à un psychisme uniquement préoccupé par les sanctions de l’autorité.

De nombreuses situations de décrochage du sens moral avec comportements cruels en groupe sont le résultat de la “loi de l’unité mentale des foules”. Des individus par le seul fait qu’ils composent une foule, quels que soient leur milieu social, leur niveau d’intelligence, leur origine culturelle, deviennent une personnalité collective qui les fait sentir, penser, réagir et se comporter d’une façon distincte de celle par laquelle chacun réagirait isolément.

Dans l’émergence de cette personnalité collective, l’individu en foule acquiert, par le seul fait du nombre un sentiment de puissance invincible qui lui permet de ne plus éprouver la contrainte de la répression sociale. L’individu est d’autant plus poussé vers ses instincts que, la foule étant anonyme, il éprouve une garantie d’irresponsabilité.

On attribue le terme “assassin” aux haschischins, les soldats persans ivres de cannabis dont la fureur au combat était redoutée de leurs ennemis.

Gravé dans le sable, Michel Bussi

Samedi 19 décembre 2015

L’auteur se forge l’idée que les rangers américains partent à l’assaut des falaises de Normandie le 6 juin 1944 selon un ordre préétabli par tirage au sort. L’un d’eux, nommé Lucky, accepte d’échanger son numéro 148 contre 1 million de dollars avec Oscar le n°4. Il voit là l’occasion d’enrichir sa famille pour longtemps en son absence. Les deux hommes établissent un contrat avec des témoins.

A la fin de la guerre, Oscar verse l’argent à une femme mais pas à Alice la femme de Lucky. On découvre à la fin qu’il s’agit de le femme d’un des témoins qui s’était bien gardé d’informer la véritable Alice de l’existence de ce contrat…

” Il faut vous imaginer la falaise, monsieur le président, un mur blanc de plus de soixante mètres, hérissé de mitraillettes, le plus monstrueux dse châteaux forts que l’homme ait pu fabriquer… C’est ce rempart-là dont il faliiat mener l’assaut !  “

La septième fonction du langage, Laurent Binet

Samedi 19 décembre 2015

Calé dans mon canapé, la jambe immobilisée suite à une fracture de la cheville, j’entre avec un peu d’hésitation dans le roman de Binet. Puis je commence à accrocher vers le milieu et à trouver ce roman complètement déjanté. Le point de départ est la mort de Roland Barthes, renversé par une camionnette le 25 février 1980. Ça c’est vrai. L’auteur fait l’hypothèse qu’il s’agit d’un assassinat. Dans les milieux intellectuels et politique de l’époque tout le monde est suspect. Le motif de l’assassinat : Barthes aurait été en possession d’un document révélant la septième fonction du langage (voir les six fonction de Jakobson) celle qui permettrait de convaincre son auditoire. On rencontre énormément de personnalités ayant existé ou existant encore qui jouent un rôle dans cette histoire.  Mitterand aurait remporter le débat politique contre Giscard  grâce à cette septième fonction que Jack Lang aurait récupérée.
Jacques Bayard, commissaire, et Simon Herzog sémiologue mènent l’enquête. Ils croisent Foucault (dans un sauna ga, Umberto Eco,

“Si la septième fonction existe et s’il s’agit bien d’un genre de fonction performative ou perlocutoire, elle perdrait une grande partie de son pouvoir à être connue de tous. La connaissance d’un mécanisme manipulatoire ne nous prémunit pas forcément contre lui - voyez la publicité, la communication : la plupart des gens savent comment elles fonctionnent, quels ressorts elles utilisent - mais quand même, ça l’affaiblit…”