2084, Boualem Sansal
Lundi 28 décembre 2015En Abistan, plus de questions. La répétition des paroles d’Abi et de Yölah bourdonne jour et nuit, à travers la scansion obligatoire du Gkabul, le texte sacré. Elle s’infiltre dans chaque interstice de la conscience qui finit par la reproduire automatiquement. « Allons mourir pour vivre heureux ! », tel est le cri de guerre de l’armée abistanaise. Il n’est pas si étranger au lecteur : c’est celui de Daech, d’Al-Qaida, des talibans et des gardiens de la révolution. La fable du romancier se situe donc dans une sorte d’au-delà de nos journaux télévisés. Lorsque, au terme de l’an 2084 et de ses centaines de millions de morts, l’humanité aura définitivement sombré dans l’inhumain. Il reste pourtant, comme toujours, un rebelle. Il s’appelle Ati et défie le système qui lui interdit de penser. Il cherche et trouve les ghettos où sont parqués les derniers mécréants. Surtout, il espère franchir la frontière interdite derrière laquelle survit un autre monde. Le monde d’hier, aurait écrit Stefan Zweig, que l’avancée du nazisme poussa au suicide. Ati, figure de tous ceux qui disent non, passera-t-il de l’autre côté du miroir, au bout des souterrains de la grande montagne qui ouvrent sur une terre libre et un ciel enfin vidé de sa terreur ? Il est l’espoir dernier de ce texte ample et magnifique. Le chef-d’œuvre de Boualem Sansal.